Burn-out et guérison


La première fois que j'ai constaté que j'avais pris confiance en moi, c'est à la fin de l'hypokhâgne J'essayais alors de me convaincre que mon mal être n'était que passager et que j'avais déjà confiance, que ce n'était qu'une question de temps avant de la retrouver. Mes progrès cette année-là avaient été réels : je m'étais ouverte aux gens, à moi-même, j'étais plus à l'aise dans mon corps et avec mon reflet, j'étais épanouie scolairement, quand bien même c'était difficile. J'avais réellement l'impression d'avoir fait un grand pas. Alors forcément, mon état n'était pas justifié et j'allais m'en remettre. J'allais redémarrer.

Je n'ai pas redémarré. Ce n'était pas une question de confiance en soi. C'était le début d'un burn-out et du vide qui l'accompagne. Le début d'un épuisement constant, d'une remise en question perpétuelle, d'un doute, de l'inaction, de l'impossibilité de me lever le matin sans avoir l'impression de traîner un boulet, de l'incapacité de profiter pleinement d'un moment joyeux, de la fatigue extrême après le relationnel. D'un coup, je me retrouvée vide. D'un coup, j'avais disparu dans un écran de fumée. Je ne savais plus ce que j'aimais, ni pourquoi je faisais ce que je faisais, je ne savais plus ce dont j'étais capable ou ce que je voulais. Je n'étais rien qu'une série d'automatismes appris en hypokhâgne, une série d'instincts de survie qui expliquent que mon année n'ait pas été complètement foutue. Souvent les gens ne comprennent pas, au vu de mes résultats, que j'ai un aussi grand sentiment d'échec sur mon année de khâgne. Le fait est que je n'ai pas l'impression d'avoir passé le concours. J'étais enclenchée en mode automatique. Et je l'ai fait parce que je devais le faire. Mais je n'étais plus moi. Pendant près d'un an, j'ai eu l'impression d'être un fantôme. 

Et le vide, c'est bizarre, mais il ne part pas forcément. J'ai l'impression de m'être perdue pendant cette année. De ne plus savoir pourquoi j'existe, ce que je dois faire de ma vie, ce qui m'anime. J'ai encore des moments de détresse énorme où je me demande réellement où je vais, ce que je fais et même qui je suis. Je dis à tout le monde que ça va mieux depuis que j'ai fait le choix de quitter la prépa. C'est vrai. Je n'ai plus cette impression constante d'être triste et fatiguée, je savoure pleinement mes moments heureux et je suis heureuse de mon orientation, malgré les doutes. Mais j'ai quitté la prépa à toute vitesse. Dès que j'ai su que je n'y retournerai pas, j'ai tourné la page et je lui ai résolument tourné le dos en faisant comme s'il ne s'était rien passé. Je répète à tous ceux que je rencontre que j'ai tout oublié, que je n'y pense plus. Et c'est vrai. Mais j'ai juste cherché à refermer la plaie le plus vite possible. J'ai juste cherché à faire comme si rien n'avait existé, comme s'il suffisait que je n'y pense plus pour guérir. J'ai voulu tourner le dos à ce que le burn-out a laissé : cette Camille toute branlante, sans énergie, incapable de faire quoi que ce soit, de créer et d'être heureuse. J'ai voulu laisser cette faiblesse derrière moi, à tout prix.

Mais ça ne marche pas comme ça. La plaie n'est absolument pas cicatrisée, le vide que je ressentais n'est pas parti. En faisant comme si tout allait bien, j'oublie juste que je ne suis pas complètement guérie et que ma confiance, elle, s'est bien effondrée. Le burn-out est peut-être fini, je ne ressens peut-être plus ce vide et cet épuisement. Mais la trace qu'il a laissé est bien là. Ce vide fantomatique qui me fait même douter de qui je suis est bien là. Aujourd'hui encore.

J'ai besoin de temps. J'ai besoin d'indulgence. J'ai besoin de me réconcilier avec moi-même. J'ai besoin de ne plus tourner le dos à ce qu'il s'est passé, mais de l'affronter, d'accepter que c'est arrivé et que ce n'est pas une faiblesse. C'est juste ce qu'il s'est passé. Et même si ça prend du temps, je peux remplir doucement ce vide. Me retrouver. A mon rythme. En me remettant en mode automatique si j'en ai besoin, comme ces derniers temps. Mais je vais y arriver. J'espère. 



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